Qui n’a pas rongé son frein contre ces heures perdues aux urgences bondées d’un hôpital ? Qui n’a pas pesté face à une salle d’attente remplie à l’envi ? Jérôme Vernhes apporte, lui, une solution à cette attente honnie et insupportable à l’hôpital, à la clinique et dans les maisons de santé. Il a créé une application, gratuite, à télécharger sur son smartphone. Baptisée Alturgences, elle a pour vocation principale « d’informer ses utilisateurs des options alternatives aux urgences présentes autour de lui et accessibles sans rendez-vous. » Hors urgences vitales, bien sûr.
Jérôme Vernhes, Alturgences. Ph. DR.
« En fonction des établissements, les prises en charge pour de la bobologie se situent entre 8 % et 30 % des patients aux urgences. » Limiter le temps d’attente, d’accord. Mais beaucoup de malades, plus ou moins graves et même d’hypocondriaques ne préfèreraient-ils pas attendre et obtenir un bon diagnostic médical, plutôt qu’être soignés par un personnel soignant qui n’aurait pas forcément une bonne réputation ? « Nous aurions pu choisir un critère de « qualité », des notes #google par exemple, répond Jérôme Vernhes, cofondateur de l’application avec son fils, Thomas. Mais les notes officielles parfois se contredisent. Nous avons choisi ce critère de temps d’attente notre application s’adresse à ce que l’on appelle la bobologie » et qui créent les fameux embouteillages aux urgences, pour une douleur, un rhume que l’on pense être une grippe voire une inquiétude.
Un soir, j’ai dû parcourir 60 km et patienter cinq heures pour une prise en charge d’un saignement de nez qui m’inquiétait.
On savait certes que ce n’était pas une #urgence vitale mais on aurait aimé que ça aille plus vite »Jérôme Vernhes, fondateur de Alturgences
Les passages aux urgence sont presque doublé depuis 1996. C’est vrai. Ce que l’on appelle la « bobologie » est souvent évoquée. Un rapport de la commission des affaires sociales du Sénat de 2017 relativise l’impact de cette « bobologie » qui multiplierait les passages aux urgences sans réel besoin. Car il faut tenir compte l’état du patient, son âge, l’offre de soins alentour, etc. Parce qu’il n’y a que ce service d’urgence à des kilomètres à la ronde. Parce que la médecine de ville décline, comme l’indique Jérôme Vernhes : « Dans la journée, dans les hôpitaux et cliniques d’une majorité de villes, l’attente n’est pas monstrueuse. Mais elle l’est à certains moments – on ne sait pas trop pourquoi – le samedi matin, par exemple, « vers 5 heures… » . C’est en cela que l’on parle, même en région parisienne, de « déserts médicaux ». Selon le célèbre géographe de la santé, Emmanuel Vigneron, « de vastes pans de la France sont en voies de désertification alors que parallèlement l’offre de soins dans les métropoles, elle, se densifie. » D’où l’intérêt d’Alturgences.
Bobologie ou pas, les urgences quand on en a besoin
L’application est accessible depuis le 17 juillet 2019, Le déclic ? « Un soir, confie son fondateur, j’ai dû parcourir 60 km et patienter cinq heures pour une prise en charge d’un saignement de nez qui m’inquiétait. On savait certes que ce n’était pas une urgence vitale mais on aurait aimé que ça aille plus vite ». Car, de plus, une inquiétude peut cacher une vraie pathologie qu’il est bien difficile de balayer sans auscultation. D’où l’intérêt de ce genre d’application. C’est pour cela que la France a créé un barème, la classification clinique des malades aux urgences (CCMU) appliqué par les urgentistes pour chaque passage. En fait, bobologie ou pas, on va aux urgences quand on en sent le besoin et on y va aussi davantage parce que la population vieillit : les plus de 65 ans sont passés de 16 % en 2000 à 20 % en 2020. Un bon indicateur du ministère est le suivant : selon Yonathan Freund, professeur à la Sorbonne et urgentiste à la Pitié-Salpétrière à Paris, cité par le Monde, le taux d’hospitalisation après consultation reste stable depuis 2002 : 19 %.
L’application est alimentée par les internautes et les établissements de santé
« Notre application Alturgence donne une info fiable sur le temps d’attente en direct et permet de savoir si ailleurs c’est pire ou meilleur », précise Jérôme Vernhes. « Dans la journée, dans les hôpitaux et cliniques d’une majorité de villes, l’attente n’est pas monstrueuse. Mais elle l’est à certains moments – on ne sait pas trop pourquoi – le samedi matin, par exemple. » Et là c’est une autre paire de manches. « Notre application fonctionne grâce à la participation des utilisateurs comme c’est le cas pour la célèbre application d’automobilistes Waze.« Idéal pour une affection qui s’avère bénigne ne nécessitant pas a priori une hospitalisation ou une prise en charge lourde. Autre intérêt de l’application : « Nous référençons également les établissements médicaux qui ont des services d’urgence et des cabinets médicaux volontaires qui reçoivent sans rendez-vous ou qui proposent des plages horaires sans rendez-vous. »
10 000 personnes utilisent l’application
Actuellement, l’application « tourne » grâce aux apports participatifs de ceux qui l’ont téléchargée : quelque 10 000 personnes à ce jour. « Parallèlement, pour l’instant, 60 établissements de santé partout en France nous communiquent leurs temps d’attente ; nous leur fournissons un module gratuit pour cela. Nous avons rencontré l’ARS d’Île-de-France et nous allons faire de même avec l’ARS Occitanie » pour mieux développer les relations avec les hôpitaux et cliniques. Jérôme Vernhes ajoute que « l’application restera toujours gratuite pour l’utilisateur ». Le business model reposera sans doute un jour sur des jeux, de la pub, de l’information que le patient-internaute pourra télécharger, là gratuitement ou en payant, dans la salle d’attente de son médecin…
@Olivier SCHLAMA
https://dis-leur.fr/application-sante-se-soigner-sans-attente-interminable/